Immobilier : l'heure est venue de s'attaquer au gaspillage !

Publié dans Les Échos le 29/03/2024

Au cours d'une année, les infrastructures sont le plus souvent inutilisées et vides. De nombreuses personnes plaident pour construire des bâtiments neufs. Eléonore Slama, adjointe PS à la mairie du 12e arrondissement de Paris, plaide pour une intensification des usages des infrastructures existantes.Tout commence par une idée. Peut-être voulez-vous créer une entreprise. Peut-être voulez-vous donner une nouvelle dimension à un passe-temps. Ou peut-être avez-vous un projet créatif que vous souhaitez partager avec le monde entier. Quel que soit votre cas, la façon dont vous racontez votre histoire en ligne peut faire toute la différence.

Je vais vous révéler un secret : nous vivons au cœur d’un immense gâchis immobilier et personne ou presque n’en a réellement pris la mesure. Aujourd’hui pourtant, la crise climatique comme la crise que traverse le secteur de l’immobilier et du logement, nous prouve qu’il est devenu urgent d’agir. Mais que recouvre concrètement le gaspillage des m2 ? Il se caractérise bien sûr par les espaces vacants ou abandonnés qui ont été construits et ont fait l’objet d’une activité : friches industrielles, bureaux, locaux commerciaux ou logements inoccupés, dont le nombre bat de tristes records dans notre pays : 4,5 millions de m2 de bureaux vides rien qu’en Ile-de-France, et plus de 3 millions de logements vacants sur l’ensemble du territoire national. De manière moins évidente, il concerne aussi les bâtis exploités très en dessous de leur capacité en nombre d’utilisateur, et/ou durant certaines heures du jour mais aussi la nuit, et durant certaines périodes comme par exemple les vacances scolaires. Ainsi, 70 à 80% du temps dans des lieux présents partout sur le territoire et que chacun de nous fréquente au quotidien-je pense à l’école, aux bureaux, aux équipements publics… il ne se passe rien et personne ne les utilise. Ces « temps morts » sont autant d’opportunités pour accueillir plus d’usages sans devoir construire. L'aménagement du territoire par la chronotopie comme la « ré-occupation » des espaces vacants est un véritable « trésor » qui mérite que nous nous y intéressions. Les bénéfices écologiques sont évidents. Une utilisation plus intense engendre un moindre besoin en construction neuve d’une industrie qui est l’une des plus polluante de la planète. Et malgré les efforts du monde de la fabrique de la ville pour réduire son empreinte carbone, n’oublions pas que même le plus décarboné des m2 construit sera toujours un m2 de trop, s’il n'est pas ou peu utilisé. Parce qu’elle partage les charges comme l’entretien ou le gardiennage, et qu’elle peut générer de nouvelles sources de revenus, l’intensification des usages peut être rémunératrice. C’est aussi plus de services pour les usagers ou les riverains d’un site. Très concrètement, ce sont des bureaux mis à la disposition d’étudiants en manque d’espaces de travail et lâs de faire des heures de queue pour trouver une place à la bibliothèque. C’est aussi l’immeuble d’habitation réinventé qui offrira l’atelier, le rooftop ou la chambre d’amis partagés. C’est le restaurant d’entreprise transformé en brasserie ouverte à tous le soir et le week-end. Ce sont les places de stationnement mises à la disposition des riverains ou transformées en espace de stockage lorsqu’elles ne sont pas utilisées par les salariés d’une entreprise. Ce sont nos écoles qui accueillent d’autres usages ou qui ouvrent leurs cours pendant les vacances scolaires ou les week-ends … Le champ des possibles est infini. N’est-il pas enfin temps d’arrêter de jeter les mètres carrées par la fenêtre ? Tout le monde a à y gagner, alors pourquoi s’en priver ? 

Changeons de regard sur les m2 qui nous entourent. Éveillons les consciences pour amorcer la nécessaire « révolution » de notre utilisation des espaces.  Plus que d’une loi qui pourrait néanmoins être nécessaire, nous avons besoin de transformer les pratiques. Au-delà des beaux discours, j’ai décidé d’agir en réunissant une alliance publique privée. Avec ses acteurs, nous nous sommes donnés un an pour outiller la filière et commencer à sortir des projets pilotes « anti-gaspi » sur l’ensemble du territoire. Des initiatives commencent ainsi à émerger : donnons-leur de la puissance pour faire advenir le changement, car il est plus que jamais l’heure de s’attaquer au gaspillage immobilier et d’aménager les temps pour gagner de l’espace.

 

 Éléonore SLAMA

Adjointe à la Maire du 12e arrondissement de Paris et Maire du quartier Bel-Air nord. Elle a créé et pilote une action collective qui fédère un groupement d'acteurs publics et privés engagés pour transformer les pratiques de l’immobilier vers un modèle circulaire. 

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“En ville, les bénéfices d’un usage intense des bâtiments sont nombreux”